
Quand la collaboration devient négociation : Réflexions sur l’évolution de mes pratiques
Sunday, September 14, 2025
Photo : deva_lebruitdusilence / @deva_lebruitdusilence
L’art délicat de la collaboration photographique
La photographie en collaboration repose sur un équilibre subtil. D’un côté, le photographe avec sa vision en construction et ses compétences techniques acquises au fil des expérimentations. De l’autre, la modèle avec sa personnalité, ses attentes, sa propre perception de l’image qu’elle souhaite projeter.
Chacun investit son temps et son énergie dans un échange équitable. Quand cela fonctionne, cette synergie produit des images qui transcendent les attentes.
Mais parfois, l’équilibre se rompt.
L’excès de bienveillance qui m’a desservi
Je dois l’avouer : j’ai commis une erreur de communication qui m’a récemment confronté à des phases de démotivation profondes. Cette erreur remonte à mes débuts en collaboration, à l’époque où je n’avais rien publié, où personne ou presque n’avait vu mes photos, où j’avais une ou deux expériences à mon actif.
À cette époque, il me semblait nécessaire de rassurer les modèles, et moi-même d’ailleurs j’avais besoin de ces validations, peut-être pour me construire. J’avais donc développé une approche que j’ai maintenue par habitude jusqu’à récemment.
Mon processus était simple : Quelques jours après chaque séance, je soumettais une présélection aux modèles. Elles choisissaient une dizaine de leurs préférées, supprimaient celles qui ne leur plaisaient pas, et conservaient celles qui pourraient constituer un “fond de photos” exploitable pour de futures diffusions.
Mais par excès de complaisance, j’avais ajouté une promesse problématique : “Après les retouches, je ne publierai rien sans ton approbation… Je te soumettrai les photos retouchées pour accord final.”
C’est là que le piège s’était refermé.
Quand la prévenance se transformait en contrainte
Cette approche fonctionnait parfaitement pour la majorité de mes collaborations. Mais récemment, certaines modèles ont transformé cette étape finale en source de frustration inattendue. Lorsque je soumettais le résultat de mes retouches pour validation, des remarques surgissaient parfois sur le style, des photos non seulement précédemment appréciées mais surtout explicitement sélectionnées ne plaisaient plus, des détails devenaient soudain problématiques. Mon choix artistique de cadrage ne convenait plus.
Le temps consacré aux retouches – souvent plusieurs heures par image – se trouvait remis en question. L’accord initial s’effritait. Le style, pourtant cohérent avec ma pratique habituelle et visible dans mon portfolio, devenait sujet à débat.
Je le confesse aujourd’hui, cette situation a généré une lassitude créative difficile à surmonter.
La remise en question nécessaire
Cette expérience m’amène à réfléchir sur les limites de la complaisance dans la création artistique. Une fois qu’une modèle a explicitement sélectionné ses photos préférées lors de la sélection initiale, une fois que les images respectent l’esthétique convenue… le travail créatif ne devrait-il pas suivre son cours naturel ?
Cette attitude protectrice avait du sens à mes débuts, quand mon travail était encore confidentiel et que j’avais besoin de ces validations pour me rassurer autant que pour rassurer les modèles. Mais aujourd’hui, la situation a évolué : j’ai publié plus de deux cents images et rédigé une centaine d’articles sur mon site. Mon approche artistique s’est affirmée et est devenue visible.
D’ailleurs, l’évolution de mes sollicitations en témoigne : là où je devais autrefois démarcher les modèles, je reçois désormais des demandes spontanées. Cette reconnaissance tacite de mon travail me conforte dans l’idée que mon style, mes choix esthétiques, sont maintenant établis et possiblement appréciés.
Aucune des photos que je propose n’est dégradante. Aucune ne dessert la modèle. Aucune ne s’écarte de l’univers que j’ai développé et qui est désormais consultable par tous sur mes espaces en ligne. Pourtant, certains échanges se transforment encore en négociations sur des détails qui n’avaient pas posé problème lors de la sélection initiale.
Une évolution nécessaire
Cette situation, répétée ces dernières semaines, a entamé ma motivation créative. Mais elle m’a surtout fait prendre conscience que mes pratiques n’avaient pas évolué avec mon expérience.
Pour les futurs projets, je modifie donc mon approche : une photo validée lors de la sélection initiale, sur laquelle je consacre du temps en retouches, sera publiée sans validation supplémentaire. Cette évolution s’impose comme une question de respect mutuel du temps et de l’énergie investis par chacun.
Vers un cadre plus clair
Cette transformation ne vient pas d’un manque de considération envers les modèles. Au contraire, elle naît du désir de clarifier les rôles pour que l’échange soit plus serein.
La modèle choisit ses photos préférées et bénéficie d’images retouchées pour son book ou son plaisir personnel. Le photographe les sublime selon son style et sa vision, tout en enrichissant son portfolio. Chacun apporte sa contribution dans le respect mutuel et la confiance réciproque.
L’authenticité avant tout
Cette réflexion me ramène à l’une de mes convictions : l’authenticité dans la relation photographique. Être transparent sur ses attentes, ses méthodes, ses limites aussi.
Mon excès de prévenance initial correspondait à une période d’apprentissage où cette prudence était justifiée. Aujourd’hui, maintenir cette approche serait malhonnête envers une maturité artistique qui à évolué. La vraie considération, c’est parfois d’établir des règles claires dès le départ plutôt que de promettre une flexibilité qui finit par desservir tout le monde.
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The Delicate Art of Photographic Collaboration
Collaborative photography rests on a delicate balance. On one side, the photographer with their developing vision and technical skills acquired through experimentation. On the other, the model with their personality, expectations, and personal perception of the image they want to project.
Each party invests their time and energy in an equitable exchange. When it works, this synergy produces images that transcend expectations.
But sometimes, the balance breaks.
The Excess of Kindness That Backfired
I must admit: I made a communication error that recently confronted me with profound phases of demotivation. This error dates back to my early days of collaboration, when I had published nothing, when almost no one had seen my photos, when I had only one or two experiences under my belt.
Back then, it seemed necessary to reassure the models, and frankly, I needed those validations myself, perhaps to build my confidence. So I developed an approach that I maintained out of habit until recently.
My process was simple: A few days after each session, I would submit a preselection to the models. They would choose about ten of their favorites, remove those they didn’t like, and keep those that could constitute a “photo bank” for future use.
But through excessive accommodation, I had added a problematic promise: “After retouching, I won’t publish anything without your approval… I’ll submit the retouched photos to you for final agreement.”
That’s where the trap had closed.
When Thoughtfulness Became Constraint
This approach worked perfectly for the majority of my collaborations. But recently, some models transformed this final step into an unexpected source of frustration. When I submitted my retouching results for validation, comments would sometimes arise about the style, photos that were not only previously appreciated but explicitly selected would suddenly displease, details would become problematic. My artistic choice of framing no longer suited them.
The time devoted to retouching—often several hours per image—was being questioned. The initial agreement was crumbling. The style, though consistent with my usual practice and visible in my portfolio, became subject to debate.
I confess today, this situation generated a creative weariness that was difficult to overcome.
The Necessary Questioning
This experience leads me to reflect on the limits of complacency in artistic creation. Once a model has explicitly selected their favorite photos during the initial selection, once the images respect the agreed aesthetic… shouldn’t the creative work follow its natural course?
This protective attitude made sense in my early days, when my work was still private and I needed these validations to reassure myself as much as the models. But today, the situation has evolved: I’ve published over two hundred images and written a hundred articles on my website. My artistic approach has asserted itself and become visible.
Moreover, the evolution of my solicitations bears witness to this: where I once had to approach models, I now receive spontaneous requests. This tacit recognition of my work reinforces my belief that my style and aesthetic choices are now established and possibly appreciated.
None of the photos I propose are degrading. None disserve the model. None deviate from the universe I’ve developed and which is now accessible to everyone on my online platforms. Yet some exchanges still transform into negotiations over details that hadn’t posed problems during the initial selection.
A Necessary Evolution
This situation, repeated in recent weeks, has undermined my creative motivation. But it has mostly made me realize that my practices hadn’t evolved with my experience.
For future projects, I’m therefore modifying my approach: a photo validated during the initial selection, on which I spend time retouching, will be published without additional validation. This evolution imposes itself as a matter of mutual respect for the time and energy invested by each party.
Toward a Clearer Framework
This transformation doesn’t come from a lack of consideration for the models. On the contrary, it stems from the desire to clarify roles so that the exchange is more serene.
The model chooses their favorite photos and benefits from retouched images for their portfolio or personal enjoyment. The photographer enhances them according to their style and vision, while enriching their own portfolio. Each brings their contribution in mutual respect and reciprocal trust.
Authenticity Above All
This reflection brings me back to one of my convictions: authenticity in the photographic relationship. Being transparent about one’s expectations, methods, and limitations too.
My initial excess of thoughtfulness corresponded to a learning period where this caution was justified. Today, maintaining this approach would be dishonest toward an artistic maturity that has evolved. True consideration sometimes means establishing clear rules from the start rather than promising flexibility that ends up serving no one well.